L'art du clip
Le clip est un art. Acte promotionnel d’un morceau c’est vrai, il devient parfois une œuvre d’art à part entière que l’on peut prendre plaisir à découvrir indépendamment, voire en dépit, du morceau qui l’habille. Nos discothécaires ont fouillé le web et leur mémoire pour vous présenter tous les mois 3 clips à découvrir ou redécouvrir.
Pour cette nouvelle chronique, découvrez le rôle majeur joué par Michael Jackson dans l'avènement du clip comme œuvre à part entière, retrouvez Adèle Haenel dans un clip hommage à Clouzot, et découvrez le très beau film d'animation de Dear Reader, un groupe sud-africain qui mériterait d'être plus connu.
Le pionnier : Thriller, Michael jackson
Qu'on le veuille ou non, qu'on l'aime ou non, Michael Jackson est un monument de la pop, une personnalité hors norme qui a laissé son emprunte dans l'histoire du clip. La sortie de Thriller en 1983 en fait l'un des premiers à pratiquer le clip comme œuvre à part entière plutôt que comme message promotionnel. C’est en voyant le film d’horreur Le Loup-garou de Londres de John Landis (réalisateur également du film Les Blues Brothers) que vient au King of Pop l’idée de lui demander de réaliser un clip pour l’ultime single de son album, Thriller. Il faut dire que les ventes du deuxième album de sa carrière, émancipé de ses frères, lui permettent de voir les choses en grand ! Il aura quand même besoin d'être un peu inventif pour trouver les 900 000 $ nécessaire à sa production soit le budget d'un long métrage de l'époque. Thriller est donc le premier clip de l’histoire conçu comme un court métrage.
D’une durée de 8 minutes, il commence par un scène de plus de 2 minutes sans musique. Michael y demande à une jeune femme de devenir sa petite amie, mais dit-il, « je ne suis pas comme les autres mecs ». S’en suivent un multitude de twists dignes des grands classiques du 7ème art, permettant à Michael de rendre hommage à son amour pour les films de genre. L’impact du clip a été tel que les ventes, déjà conséquentes de l’album, ont doublé après sa diffusion ! La veste rouge que porte Michael est devenue emblématique, tandis que la chorégraphie des zombies est reprise par les fans dès que le mythique titre est diffusé. Suite au succès incommensurable de Thriller même si la démarche n’est pas à la portée de tous les groupes, nombreux sont ceux qui ont fait de leur clips de véritables petits films dirigés par des réalisateurs de cinéma expérimentés comme en témoigne le dernier clip en date de Harry Styles (voir l'art du clip de janvier).
Espérons que votre rencart de ce soir ne sera pas aussi mouvementé...
Le petit nouveau : De mon âme à ton âme, Kompromat
Kompromat est un duo français d’électro indé, composé de Pascal Arbez-Nicolas, alias Vitalic, et de Julia Lanoë, alias Rebeka Warrior (officiant également au sein des groupes Sexy Sushi, et Mansfield.TYA). Depuis quelques jours, ils font sensation avec leur nouveau clip « De mon âme à ton âme », sommet de leur album « Traum und existenz » (2019). Ce petit bijou visuel d’une beauté troublante met en scène la grande Adèle Haenel, qui chante également sur le morceau. Réalisé par la très prometteuse Claire Burger (« Party Girl », « C’est ça l’amour »), le clip est un superbe hommage, scintillant et sensuel, à « L’enfer », le film inachevé de Henry-Georges Clouzot avec Romy Schneider. Le cinéaste y évoquait l’amour, la séduction, la possession, le désir, la jalousie, la folie… On retrouve ces mêmes thèmes dans les images multicolores filmées par Claire Burger. Sous les effets de lumières et face caméra, Adèle Haenel est objet de désir et de fantasme. Elle est sublimée par la caméra de Burger tout comme l’est Romy Schneider par la caméra de Clouzot. Toutes deux n’auront jamais été aussi belles et hypnotiques.
La réalisatrice souhaitait « faire dialoguer deux générations, deux formes d’art, créer un pont entre le cinéma et la musique mais également entre Romy Schneider et Adèle Haenel, ». L’objectif est atteint et le résultat magnifique.
Ce n’est pas la première fois qu’un hommage est rendu au film maudit de Clouzot dans un clip, Michel Gondry, encore lui (voir l'art du clip d'octobre et novembre), l’avait fait en 1992 pour Etienne Daho dans « Les voyages immobiles ».
Pour leur précédent clip, « Niemand », Kompromat avait déjà fait appel à un cinéaste français : Bertrand Mandico. Celui-ci leur avait confectionné une vidéo surréaliste et bizarre à l’image de ses films.
L'original : Great white bear, Dear reader
Mieux vaut-il vivre sans jamais connaître le véritable amour ou bien connaître le véritable amour mais s’y perdre ? Une question qu’on pourrait se poser après avoir vu le très beau clip du groupe sud-africain Dear Reader, « Great White Bear » (2009). Créé par le studio Bugbox et réalisé en dessins animés, il raconte l’histoire d’un coup de foudre inattendu entre deux êtres que tout oppose. Un coup de foudre libérateur qui vient briser deux solitudes, deux vies mornes et tristes. Mais cet amour ne plaît pas à tout le monde et alors les ennuis commencent…
Les dessins au crayon habillent parfaitement cette comptine pop douce et triste qui parle de refuge, de fuite, et d’amour impossible qui finit mal. Un clip touchant, et cruel aussi, comme peut l’être l’amour parfois.
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