L'art du clip
Le clip est un art. Acte promotionnel d’un morceau c’est vrai, il devient parfois une œuvre d’art à part entière que l’on peut prendre plaisir à découvrir indépendamment, voire en dépit, du morceau qui l’habille. Nos discothécaires ont fouillé le web et leur mémoire pour vous présenter tous les mois 3 clips à découvrir ou redécouvrir.
C'est la rentrée, une rentrée masquée, bancale, incertaine, bizarre, mais la rentrée quand même. Pour des milliers d'écoliers c'était la première fois et, au milieu de nos préoccupations d'adultes, eux se demandaient avec excitation ou appréhension ce que leur réservait cette nouvelle année. Alors on a pensé à eux pour cette édition de L'art du clip avec :
- Les Pink Floyd : et oui c'est pas parce qu'on est petit qu'on ne peut pas aimer l'un des plus célèbres groupes de rock de tous les temps,
- Aldebert pour apporter un peu de douceur et de joie, tout ça enrobé dans une bonne dose de poésie
- Stromae parce que ce n'est pas parce qu'on est un enfant qu'on ne peut pas se retrouver dans une chanson qui évoque un sujet difficile.
Le pionnier : Another brick in the wall (Part 2) , Pink Floyd
Que vient faire Pink Floyd dans une spéciale enfants, me direz-vous ? C’est vrai que ce n’est pas forcément évident à première vue ! Pourtant, le titre Another brick in the wall (Part 2), extrait de l’album concept The Wall sorti en 1979, n’est pas si éloigné de notre thème. Au contraire, il traite justement de l’enfance, et plus précisément, de l’éducation. Il s’agit d’une violente critique contre la rigidité du système éducatif anglais qui a traumatisé Roger Waters, auteur-compositeur du groupe, et probablement de nombreux autres élèves. C’est en tous les cas ce que laisse imaginer le single, dont le deuxième couplet est repris par un chœur d’enfants. Le groupe doit cette idée géniale au producteur Bob Ezrin, qui de cette manière a permis de renforcer le propos contestataire de Waters. Par ailleurs, Bob Ezrin est également à l’origine de l’ajout du beat disco sur le morceau. Une trouvaille le rendant plus séduisant, et qui a certainement permis d’en faire un hit mondial. L’idée de la chorale d’enfants, elle, en a fait un hymne. Qui ne s’est jamais époumoné sur ce célébrissime « We don’t need no education / We don’t need no thought control / No dark sarcasm in the classroom / Teachers leave them kids alone » ?
En plus d’être un album et un spectacle scénique, The Wall est également un film musical basé sur les chansons de l’album. Un long-métrage à l’image du disque : grave, austère, glacial, mais sublime et culte. Réalisé par Alan Parker, malheureusement décédé cet été, il mêle chansons, scènes filmées et séquences animées, relatant l’histoire de Pink, une rock star déprimée au bord de la folie. Le clip vidéo de Another brick in the wall (Part 2) est la séquence inoubliable extraite du film, dans laquelle Pink, jeune élève, se fait ridiculiser par son professeur qui lit un de ses poèmes devant toute la classe. S’en suivent des images abruptes d’enfants qui marchent en file indienne le long de machines qui les formatent, les habillant de masques et d'uniformes identiques, pour finalement terminer dans un hachoir à viande. Scène dont Stromae offre un écho tout aussi flippant dans le clip de Carmen où un énorme oiseau bleu dévore un à un des tweeteurs obsédés par le tweet. Le formatage n'est plus le fait de l'école mais des réseaux sociaux. Aurait-on changé d'influenceur en 35 ans ? A moins qu'on ne les additionne ?
Mais revenons aux Pink Floyd. Le clip se poursuit sur un défilé d'images sombres et brutes, mais en définitive réjouissantes puisque les enfants se révoltent et détruisent l’école. Dans l’imagination de Pink tout du moins…
Un clip à voir et à revoir même si, en ce mois de septembre, on souhaite à tous les élèves une rentrée scolaire sous de meilleurs auspices !
Le récent : Aldebert, la vie c'est quoi ?
Changement radical d'ambiance avec ce très poétique clip d'Aldebert "La vie c'est quoi ?". On ne pouvait pas faire une spéciale enfants sans vous parler de la star des petits, celui dont les paroles résonnent dans les cours de récré de France et de Navarre : Guillaume Aldebert. Si vous n'avez pas d'enfant, il y a fort à parier que le nom ne vous évoquera rien et pourtant nul besoin d'une petite boule d'énergie hurlante pour apprécier les paroles. Loin du côté parfois niais de la chanson pour enfant, Aldebert n'est pas l'héritier de la mouvance Chantal Goya et autres. Jouant sur tous les genres (Rock, variété, reggae,...), l'ancien "métalleux" (à croire que le rock est la voie royale vers la chanson pour enfants, confer notre art du clip sur le créateur de Love is all, Roger Glover, le bassiste de Deep Purple), propose des chansons à texte qui n'ont rien à envier à celles "des grands". "La vie c'est quoi ?" est une ballade tendre qui vous fera voyager dans un univers où les questions d'enfants trouvent des réponses de poète. Ainsi la nostalgie devient du passé comestible, l'enthousiasme des rêves qui militent, la poésie une épuisette à étoiles. Le clip, réalisé par Biscuit production (même la boîte de prod a un nom mignon) vous fait suivre un père et sa fille dans un univers onirique aux couleurs pastel. Si vous souhaitez en savoir plus sur l'auteur de Corona minus, le chanteur est récemment passé dans l'émission Par Jupiter.
Et puisque "Grandir c'est fabriquer des premières fois", ne vous privez pas de celle-là.
L'original : Papaoutai, Stromae
On peut mesurer de plusieurs manières la force d’une chanson. Par le nombre de ventes ou d’écoutes, évidemment, mais pas seulement. Il y a aussi des petits indices qui souvent ne trompent pas, comme par exemple des enfants qui se mettraient à la chanter en chœur. Un morceau repris et chanté en boucle par des enfants (comprenez un morceau qui n’est pas destiné à un public enfant à la base - exit donc Jordi et autres René la Taupe !), est très souvent un morceau réussi.
Stromae et son Papaoutai en sont un parfait exemple. Ce titre aborde un thème lourd, qui n’a rien d’enfantin : l’absence du père. Pourtant, quelques semaines après sa sortie en 2013, rares étaient les enfants qui ne chantaient pas « où t’es papaoutai, où t’es papaoutai » à tue-tête. La chanson est devenue un immense tube pour de nombreuses raisons : qualité du texte et de l’interprétation, musique ultra entraînante, refrain accrocheur, etc.. Mais à n’en pas douter, elle est devenue un tube aussi parce qu’elle a su toucher les plus jeunes.
Le clip n’est pas non plus étranger à ce succès. A l’instar de la chanson, il parle aussi bien aux grands qu’aux petits, notamment à travers son personnage principal : un petit garçon flanqué d’un père inanimé, parfaitement incarné par Stromae. Dans un décor rétro et coloré, l’enfant tente tant bien que mal de donner vie à cette poupée de cire grandeur nature censée s’occuper de lui. Mais comment interagir avec un papa immobile ? Comment s’y prendre pour ne faire qu’un avec lui, tout comme les autres enfants du quartier ne font qu’un avec leurs pères ? Cette quête semble impossible, et malgré tous les efforts de l’enfant, le père reste désespérément figé, absent.
Réalisé par Raf Reyntjens, le clip impressionne par son esthétique hyper soignée, et par l’attention portée aux décors, au maquillage, et aux costumes. Il fascine et émeut aussi grâce au jeu des comédiens, aux gestuelles et aux chorégraphies complexes réalisées par la talentueuse Marion Motin.
C’est en toute logique qu’il se retrouve nommé aux Victoires de la musique et aux NRJ Music Awards cette année-là, et qu’il remporte le prix du meilleur clip au Festival international du film francophone de Namur. Plus fort encore, le clip rassemble plus de 728 millions de vues sur YouTube. Ce chiffre record ferait de lui la vidéo francophone la plus vue au monde. Un indicateur supplémentaire de la force et de l’impact de ce titre et du clip qui l’accompagne.
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