Vous êtes ici

Comment j'ai été à la première écoute, introduit au rock progressif français

Publié le 18 décembre 2018
Comme bon nombre d'ado de ma génération, du rock progressif, je ne connaissais que les Pink Floyd ...

un peu Genesis, deux disques de King Crimson et un des Moody Blues (celui que tout le monde connait). Bref que du britannique. Et puis... Voilà comment l'on m'a fait découvrir un groupe français nommé Pulsar.

C'était un vendredi soir de l'année 1978, un beau soir de printemps ensoleillé, où je devais, à la fin d'une semaine d'internat dans une de ces villes préfectorales de province, rentrer au domicile familial pour le week-end. L'auto-stop était en ce temps-là, un moyen de voyager à très faible coût, loin de toute inquiétude paranoïaque ou de stratégie opportuniste de covoiturage. Non, l'auto-stop, c'était partir à l'aventure, prendre le parti de la rencontre fortuite ou décisive.

Nous étions quelques aventuriers, postés par ordre d'arrivée à la sortie d'un rond-point de périphérique, à attendre que quelque automobiliste veuille bien tendre leur portière pour un court périple convivial. Certains auto-stoppeurs bien équipés tendaient avec insistance une planche  sur laquelle était inscrit le nom de la destination. Moi, outillé d'un simple pouce, vêtu d'un jean et d'une marinière, coiffé d'un chapeau de paille et portant le brin d'herbe à la bouche, je respirais la quiétude et la confiance. Une voiture modèle Ami 6 daigna s'insérer entre mon prédécesseur et moi. La personne au volant était une jeune conductrice qui, d'un signe, renvoya le premier prétendant et d'un autre m'invita, sourire rayonnant, à monter à côté d'elle. Je m'engageai donc dans la place avant du véhicule, insérant entre mes pieds mon unique sac de voyage.

Après les présentations d'usage, et informée de ma destination, la demoiselle inséra une cassette audio dans un lecteur. Une étendue de longs accords synthétiques inonda l'habitacle de la voiture telle un mascaret. Afin de couvrir le son tonitruant du moteur (ce qui ont déjà voyagé dans une 2 ou 3CV Citroën, savent de quoi je parle), elle augmenta le volume de son appareil, ce qui nous amena à devoir échanger par vociférations répétés pour saisir le sens de nos propos. Aussi, pour connaître les références de ce que nous écoutions, il me fut plus facile d'attraper le boîtier de la cassette et de consulter la jaquette. Celle-ci était inscrite à l'encre de feutre noir, m'informant que la cassette était une copie sur laquelle était mentionné : Pulsar, "The strand of the future".

La musique s'écoulait au début sans pulsation, presque lisse, une houle à marée basse, submergeant le vacarme du moteur. Mais ce dernier connut une recrudescence au moment où la conductrice descendit la vitre de sa portière. Il fallut donc, dans un souci d'équilibre sonore, qu'elle haussât le volume musical, ce qui suspendit toute velléité de conversation. Nous sommes donc restés dans un mutisme entendu et... j'étais bien. La musique était apaisante, quoique d'une intensité en décibels un peu excessive, une brise tiède de mois de mai provenant de la fenêtre ouverte arrosait mon visage, la Citroën sur ses essieux hydrauliques chaloupait doucement, je fermai les yeux et... m'endormis.

La somnolence était légère, l'attention ancrée dans le courant de la musique. C'est lorsque la voiture ralentit pour marquer bientôt l'arrêt que je relevai les paupières. Elle coupa le son du lecteur : "Vous êtes arrivé je crois" me dit-elle avec une aménité qui n'était plus celle du début du voyage. Je jetai un coup d'oeil rapide sur l'environnement qui entourait la voiture ; elle m'avait bien conduit jusqu'à terme. Je la remerciai bien sincèrement en lui faisant part que j'appréciais bien ses goûts musicaux. Ce ne fut pas suffisant pour récupérer son sourire, elle me rapporta deux ou trois choses sur cet enregistrement de Pulsar et je dus prendre congé d'elle quand elle me justifia clairement qu'il lui restait de la route à faire.

Il eût été facile d'oublier ce souvenir si je n'avais pas cherché à acquérir le disque. La chose faite, sa ré-écoute me ramenait à la mémoire cette rencontre, certes ratée, mais déterminante sur mes orientations musicales. Je me procurai deux autres albums de Pulsar : leur premier opus "Pollen" et leur troisième "Halloween" et eu même l'occasion d'aller les voir en concert.

Et puis j'ai creusé la filière de ce que l'on appelait le rock progressif français. Certains groupes ont disparu comme Transit-express.

 

 pochette du disque Transit-Express,

 D'autres subsistent encore dans un quasi anonymat comme Clearlight guidé par le claviériste Cyrille Verdeaux, le cheveu et la barbe un peu plus enneigés.

 

 

Depuis ce temps, c'est moi qui prends les auto-stoppeurs sur les bords des routes, et je leur fais écouter...

 

Virgil Le Doyen, septembre 2015

Ajouter un commentaire